"Ils descendirent en bas de la vis, une porte s'ouvrit, un chaos sonore les envahit, puis...
Noir.
Toungouze se réveillait dans une obscurité toute agitée de faisceaux de lumières aux couleurs distordues et aux enchevêtrements de corps mouvants sur des sons de basse tribaux cacophoniques, sa propre enveloppe gesticulant en tout sens, comme démise de toute raison. Il eut, un court instant, au centre de cette agitation barbare, la vision d'un fauteuil sur lequel se tenait un homme aux traits informes, en équilibre sur la pointe des pieds dans une position rappelant celle d'un rapace prêt à s'élancer sur sa proie. La vision disparut, sa tête se projeta lentement en arrière, une vague électrique le parcourant de part en part, ses mains comme écartées par un champ magnétique. Il ressentait des successions de brises fraîches soufflant du bout des doigts jusqu'au sommet du crâne, des étincelles courant le long de son épiderme, l'intérieur de sa coquille de chair abritant maintenant un soleil vibrant en écho aux effluves sonores qui parcouraient la ruche. Il aperçut Andy, immobile au milieu de cette foule diaprée et informe sous les flashs lumineux. Il était tel une statue, figée, ancrée au sol, lourde d'un fardeau invisible. L'échine courbée, il tirait péniblement sur sa cigarette.
« La fatigue des animaux sonne ! » hurlait Ajowsky aux tympans pour se faire entendre. Ce dernier était pris dans une transe à contretemps aux gestes lents et effilés. Yougarry quant à lui s'était lancé dans une sauvage danse du bassin, il avait un jour entendu dire que la vue d'un homme se déhanchant sur des sons de basses provoquait chez la femme une réaction primaire et bestiale qui ne pouvait mener qu'au coït, ou qui, selon lui, ne pouvait vouloir dire autre chose que « regarde moi, je suis un bon coup. » Le résultat était en réalité parfaitement ridicule.
Ce spectacle provoqua chez Toungouze un rire spasmodique, incontrôlable." Conatus, Charlie Wellecam, 2015.